Mark Roberge sait de quoi il parle. Il fut pendant 10 ans le responsable des ventes d’une des solutions de référence de l’art de la vente : Hubspot. Ses conseils sont-ils applicables parfaitement en dehors d’Hubspot ? Rien n’est moins sûr. Mark a eu le bonheur de créer l’équipe de ventes d’un produit d’une grande qualité (Hubspot), avec peu de concurrents direct sérieux (aucun ne me vient à l’esprit), porté par un concept à la mode qu’Hubspot a en grande partie fait émerger (le inbound marketing), dans un secteur en pleine explosion (la vente en ligne), sur lequel beaucoup de données sont disponibles quant aux besoins des clients (la performance du marketing en ligne est facilement observable avec de la donnée publique) et de gérer des équipes de vente en croissance (tout est plus simple dans un équipe qui s’agrandit), qui font de la vente courte avec des occurrences fortes et ont donc des statistiques fiables (c’est plus compliqué dans les business aux cycles de vente longs avec de gros deals) dans un pays où on peut remercier facilement ses vendeurs (les systèmes d’incentives d’équipes de ventes américaines sont assez différentes de CDI à la française).

Pour autant, au risque de se répéter, Mark Roberge sait de quoi il parle. Il fut pendant 10 ans le responsable des ventes d’une des solutions de référence pour la vente : Hubspot. Alors, qu’a-t-il à nous apprendre dans ses mémoires The Sales Acceleration Formula ? Vous trouverez ci-dessous une synthèse en français. Si certains points sont cryptiques, lisez le livre. Je le recommande.

Le recrutement

Chaque compagnie a un profil idéal différent. Le profil du vendeur idéal dépend de chaque compagnie. Les processus de vente peuvent être courts ou longs, transactionnels ou relationnels et demander des affinités avec des univers très différents selon si l’on vend à un responsable financier, un responsable IT ou un responsable marketing. Un bon vendeur pourra échouer dans un autre contexte. Et vice-versa. Par ailleurs chaque vendeur a son superpouvoir : l’un est très bon à créer de la relation, l’autre a un superbe réseau, un autre est un as du pitch, un autre encore une capacité à se positionner comme conseille, enfin certains brillent par une capacité de travail ou une organisation à toute épreuve dans leur activité.

Le recrutement scientifique est la clé du succès. Recruter les bons vendeurs est évidemment la clé du succès. Mark suggère d’adopter une approche scientifique en alignant les critères de recrutement avec le type de vente.  Cela consiste en (i) définir la liste des caractéristiques du profil idéal, une échelle de mesure pour les noter de 1 à 5 et une pondération pour chaque caractéristique, (ii) définir des méthodes et un guide d’entretien pour tester chaque caractéristique, (iii) donner un score à chaque candidat de 1 à 5 sur chaque caractéristique et formaliser ce score pour décider, (iv) adapter la pondération des caractéristiques et les méthodes d’entretien régulièrement en comparant les résultats des commerciaux avec les scores d’entretien. La méthode de scoring que Mark décrit est parfaitement conforme à celle que McKinsey par exemple utilise depuis plusieurs décennies pour recruter ses consultants. Même si évidemment les caractéristiques recherchées diffèrent. Je la conseillerais donc les yeux fermées : elle est validée par des centaines de milliers d’entretiens McKinsey et la science que vous pouvez imaginer qu’un cabinet comme McKinsey met sur le sujet.

5 caractéristiques majeures chez Hubsport. Les 5 caractéristiques qui sont le plus liées au succès pour les commerciaux d’Hubspot sont la coachabilité, la curiosité, les succès passés, l’intelligence et la capacité de travail. Mark suggère de mettre la candidate dans une situation de jeu de rôle lors de l’entretien, de la coacher et de voir comment elle s’adapte au coaching. Il propose d’observer la discussion informelle avant même le début de l’entretien pour tester la curiosité ; et d’observer sa phase de découverte lors du jeu de rôle où l’interviewer jouera un un prospect. Au-delà du CV, il conseille d’utiliser son réseau pour prendre des références afin de tester les succès passés. Il conseille d’envoyer des documents en avance de l’entretien et d’utiliser des concepts de ces documents pendant l’entretien pour tester l’intelligence. Enfin, la capacité de travail pourra être inférée de questions autour de la journée type du vendeur ou des discussions de référence avec de précédents employeurs ou collègues. Lisez le livre pour plus de détail sur les méthodes d’entretien de Mark. C’est riche.

Utiliser ses réseaux pour trouver de bons profils. Mark conseille de recruter des professionnels qui ne cherchent pas un emploi. Les bons vendeurs ont toujours plusieurs offres ouvertes et ne devraient jamais avoir à envoyer un CV. Pour les trouver, il vous suggère de demander conseil à des amis responsables de vente au sujet de vendeurs qui ont été dans leurs équipes mais les ont quittés. Ainsi, vous n’approchez que des personne que l’on vous a recommandées. Il conseille aussi de passer au crible les LinkedIn de vos commerciaux, de lister les candidats potentiels et de leur demander lesquels il vous conseillent d’appeler. Enfin, il suggère de payer des recruteurs internes sur le modèle d’un cabinet de chasseur de tête plutôt que d’embaucher des salariés ou d’utiliser des externes. Cela lui semble le meilleur mix pour aligner les intérêts.

La formation

Former ses nouvelles recrues par l’observation de bons vendeurs paraît dangereux à Marc. Vos bons vendeurs ont leur style propre qui ne correspond peut-être pas à votre recrue. Et c’est un type de formation qui dépend de quelques individus. Impossible donc de passer cela à l’échelle !

Former les vendeurs à penser comme des acheteurs. Hubspot passe plusieurs semaines à former ses vendeurs au marketing en ligne. Ils doivent monter un site Internet, générer du trafic et tenter de le monétiser. L’objectif est qu’ils se mettent dans la peau de leur acheteur : le responsable marketing digital. Quel serait l’équivalent pour vous d’une telle formation ?

Créer un programme interne de formation. Même pour les vendeurs expérimentés. Ce programme couvre sur deux semaines tous les aspects de la vente Hubspot : le produit, les profils d’acheteur, le blogging, le parcours de l’acheteur, le search engine optimisation, le process de vente, les média sociaux, la matrice de qualification, les landing page, l’art de la prospection, l’art d’influencer les acheteurs, les appels téléphoniques, le marketing par e-mail, la phase de découverte, les boucles de nurturing, les démos, les analyses chiffrées, la négociation… et enfin l’examen et les certifications. Hubspot fait passer un examen avec 100 questions à la fin de ses formations et décerne des certifications. Pour améliorer le processus de formation, Mark suggère de demander un feedback 6 mois l’intégration après lorsque la vendeuse a suffisamment d’expérience pour avoir un avis formé. Et de comparer les résultats aux examens avec la performance réelle des équipes.

Définir le processus de vente autour des étapes de l’acheteur. L’acheteur ne pense pas en termes d’opportunité, opportunité qualifiée, devis envoyé, négociation et devis signé. L’acheteur pense par exemple en termes de « Je me renseigne », « je regarde les options », « je compare les solutions », « je teste les solutions », « je réalise un business case », « je présente ma proposition à ma hiérarchie », « je négocie le contrat ». Pourquoi le pipeline de vente n’est-il pas présenté selon ces catégories plutôt que du point de vue du vendeur ?

Créer une matrice de qualification des leads. Par exemple BAND pour Budget, Authority, Need et Timing. C’est-à-dire valider que votre interlocuteur a le budget pour acheter votre service, l’autorité pour prendre la décision, un besoin que votre solution va combler et enfin qu’il a une raison d’acheter prochainement.

Être un conseiller visiblement reconnu sur la place. Mark pense que les meilleurs vendeurs sont ceux qui ont une expérience de première main dans le quotidien de leurs clients, savent les comprendre et se positionnent comme un conseiller. Idéalement, le vendeur est comme le médecin de famille de son client : on lui fait une complète confiance. Pour se marketer ainsi, Mark suggère d’avoir une activité visible sur les réseaux sociaux qui vous positionnent comme un expert du sujet. Trouvez les réseaux sociaux que vos clients lisent et assurez-vous d’y être visibles et actifs : blogs, posts tweets, et commentaires intelligent… tout est bon !

Le processus de vente

Remplacer les managers par des coachs. Un coach doit pousser chaque vendeur à améliorer une dimension à la fois, par exemple une compétence chaque mois. Mark passait une après-midi par mois à faire avec chaque responsable d’équipe une revue de chaque membre de leur équipe en demandant : sur quelle compétence vas-tu la coacher ce mois-ci ? Comment as-tu choisi cette compétence ? Comment vas-tu t’y prendre pour l’aider sur cette compétence ? Avant cette discussion, chaque responsable passait un moment avec chaque vendeur pour définir avec lui sur quelle compétence il veut travailler. Idéalement le choix de la compétence se fonde sur l’observation des statistiques de résultat, une discussion ouverte et constructive, une relation de confiance, et la volonté du vendeur d’améliorer ses résultats puisque ses revenus financiers y sont directement corrélés. Selon Mark, le rôle de responsable des ventes est avant tout un rôle de coach.

Une liste des compétences à coacher. Il y a probablement de nombreuses manières de lister les compétences d’un vendeuse. Mark suggère des exemples précis dans son ouvrage. La liste est intéressante : passer trop de temps sur des opportunités non qualifiées, gérer son temps, rester motiver, avoir peur d’appeler, oser rappeler des prospects plusieurs fois, personnaliser plus sa prospection, améliorer la qualité des appels téléphoniques après que la prospect a accepté de parler, créer l’urgence de l’achat chez le prospect, accéder à la personne qui prend la décision, comprendre le véritable besoin sous la surface de la demande du prospect.

Motiver par le plan d’inventives. Le plan d’incentives est de fait l’outil de management des équipes de vente dès que les bonus sont calculés sur une formule et représentent plus de 30% du salaire annuel. Aucun plan d’incentive n’est parfait et aucun ne convient à toutes les situations. Il y a cependant quelques règles : il doit être simple à calculer, aligné avec les intérêts de la compagnie, avoir un impact rapide sur les salaires des commerciaux et idéalement avoir été suffisamment co-construit avec les équipes pour bénéficier de leur intelligence et qu’elles l’acceptent. Je vous conseille Compensating the salesforce de David Cicelli pour une lecteur intelligente et complète à ce sujet. Le plan d’incentives pourra être complété par des challenges ponctuels, courts, compétitifs, amusants et parfois par équipe. Les commerciaux sont compétitifs par nature, cela crée du vivre ensemble et est très efficace si on n’en abuse pas.

Motiver par le plan de carrière. Mark suggère que la progression dans le titre commercial joue également un rôle dans la motivation. Il propose plusieurs titres graduels liés à différents niveaux de rémunération, d’objectifs et d’incentives. Pour passer d’un grade à l’autre, il faut principalement remplir des objectifs chiffrés liés à la capacité à vendre. Par exemple Hubpsot ne prend pas en compte l’ancienneté dans l’entreprise dans ses critères de promotion.

Former ses managers en interne. Hubspot préfère la promotion interne pour ses chefs d’équipe. Mark proposait le rôle à ses commerciaux avec un historique de succès et un profil équilibré sur ses compétences de vendeurs. Et il les faisait passer par un plan de formation en 12 semaines pour préparer ses commerciaux à un rôle de managers. Chaque semaine couvre un aspect différent du job. Notamment : définir votre style de leadership, donner du feedback positif et négatif, mentorer et coacher, gérer les conflits, gérer le changement, recruter et l’écoute active. Le matériel de formation est disponible en ligne et les liens sont dans le livre. La formation consiste principalement dans des lectures sur le sujet puis des mises en pratique sous la forme de jeux de rôle. Après la formation, Mark leur demandait de recruter une personne et de la coacher ; c’était un moyen d’expérimenter le rôle de coach d’équipe en miniature avec un risque limité pour Hubspot.

La génération de la demande

Créer du contenu de qualité dans la durée. Le marketing inbound suppose la création continue de contenu de qualité et une participation fréquente sur les médias sociaux où vos cibles discutent et échangent. Il nécessite un effort sur la durée pour que cela paie. Mark suggère de s’entourer d’une équipe de journalistes internes dont l’objectif sera d’interviewer les spécialistes de l’entreprise pour transformer leurs idées en contenu partageable et organiser la diffusion. Les spécialistes pourront être regroupés au sein d’un think tank interne. Les articles doivent être du contenu pointu et spécifique qui répond à une interrogation précise des clients. Les e-mails des vendeurs et du service support sont souvent une source d’excellents articles de niche puisqu’ils répondent à des questions réelles. Les entretiens et articles doivent être sur des sujets de niche qui ne sont ni vos produits ni tellement génériques qu’ils passent inaperçus. Sur les réseaux sociaux, Mark suggère de poster des commentaires sur les blogs que vos clients lisent. Utilisez Twitter en plus de LinkedIn pour ne négliger aucune source. Et respectez un équilibre d’un tiers maximum de vos posts au sujet de votre compagnie. Les deux autres tiers doivent concerner d’autres personnes.

Filtrer les opportunités avant de les passer aux équipes de vente. Par définition les leads obtenus en cold call ont le bon profil pour être des clients ; sinon vous ne les auriez pas appelés. Il reste à les écouter pour comprendre s’ils ont un problème que vous pouvez résoudre. Les leads obtenus par du marketing inbound sont tout l’inverse : ils sont intéressés mais n’ont peut-être pas le bon profil. Ils sont peut-être un étudiant qui écrit un mémoire. Les vendeurs ne supporteront pas de faire eux-mêmes ce screening. Il faudra que le marketing le réalise jusqu’à arriver au point où il est utile qu’un vendeur prenne la main. Hubspot avait décidé de séparer les équipes outbound et inbound. Et pour les équipes outbound, de différencier l’étape du passage de lead entre marketing et vendeurs en fonction de la taille de client : très tôt dans le process pour un acheteur d’une très grande société et très tard pour une petite compagnie.

Aligner les intérêts du marketing et des ventes. Le marketing et les ventes sont structurellement antagonisés dans un grand nombre de sociétés. C’est évidemment très dommageable. Un accord formel entre les deux équipes (Service Level Agreement) pourra aider à aligner les intérêts et forcer la communication. Mark propose de placer le marketing dans une logique d’atteinte d’objectifs réguliers comme le sont les équipes de vente. Des indicateurs de performance régulier (i.e. quotidiens si possible), partagés entre les deux équipes et communiqués (i.e. envoyés par e-mails et affichés dans les couloirs) aideront également.

Equiper ses équipes de vente avec des outils puissants. La technologie a principalement créé des tâches administratives pour les équipes de vente sur les deux dernières décades. Peu d’outils les ont vraiment aidé. Pourtant ; les solutions modernes peuvent aider à vendre plus vite et mieux. Mark suggère d’automatiser au maximum toutes les tâches des vendeurs pour qu’ils se focalisent sur l’art de convaincre leurs clients d’acheter. Qui appeler, quand appeler, appeler, remplir le CRM, mettre à jour les contacts, envoyer un e-mail… tout cela doit être automatisé ou semi-automatisé.

Automatiser les rapports d’activité. Mark suggère que les rapports statistiques répondent aux questions suivantes (i) pour les le management : notre pipeline devrait-il nous permettre de faire les objectifs du trimestre ? A combien se montent nos projections de revenu pour le trimestre ? Entrons-nous assez de leads pour atteindre nos objectifs au prochain trimestre ? Quel est le ranking des vendeurs par activité (leads sourcés, messages vocaux, discussions orales, discussion de qualification, démo, etc.) par jour, semaine et mois ? Comment l’activité d’un vendeur se compare-t-il à son historique ? Y a-t-il des leads qui ne sont pas suivis ? (ii) Pour le marketing : les leads que je passe aux vendeurs sont-ils traités selon notre Service Level Agreement ? Quels sont les leads qui passent les étapes du pipeline et ceux qui n’avancent pas ? Quels vendeurs utilisent-ils efficacement le matériel que je crée ? Quels supports de présentation fonctionnent particulièrement bien et quelles pages sont ignorées ? Est-ce que l’équipe de vente utilise les supports les plus récents ? (iii) Pour les vendeurs : quels prospects ont récemment consulté mes e-mails ou les documents envoyés ? Comment mon activité se compare-t-elle avec le reste de l’équipe ? Est-ce que j’appelle assez de clients pour atteindre mes objectifs ? Y a-t-il des opportunités qui m’échappent ?

Expérimentez de nouvelles méthodes. Les besoins des clients, les standards du marché et les technologies évoluent sans cesse. Mark suggère de formuler des hypothèses sur ce qui pourrait améliorer encore le processus de vente puis de tester ces hypothèses en mettant en place des tests.

Pour une synthèse en anglais

https://thinkgrowth.org/10-sales-leadership-lessons-from-10-years-at-hubspot-21977628727a

Et encore mieux :