Observer la communication non verbale de quelqu’un permet facilement de détecter l’inconfort. Cependant, elle ne permet pas de détecter le mensonge. C’est-au-moins la conclusion de Joe Navarro, un spécialiste du sujet au FBI et l’auteur de What Everybody is Saying. En effet, l’affabulateur qui croit ce qu’il dit et le menteur désinvolte utiliseront tous les codes de la personne honnête. On pourra peut-être les repérer avec d’autres moyens, mais leur communication non verbale sera indifférenciée de celui ou celle qui dit la vérité.

Et quelqu’un qui dit une vérité difficile à admettre présentera tous les codes physiques de l’inconfort. Ce n’est donc pas le mensonge que notre corps trahit mais notre niveau de confort avec la discussion en cours. La bonne nouvelle est que ce niveau de confort est relativement facile à évaluer pour peu qu’on prenne l’habitude de l’observer. Cette observation permettra également de détecter les changements de pensée, d’intérêt et d’émotion.

On nous lit donc à livre ouvert, ou presque. Car nous sommes des mammifères qui suivons les codes de communication animale. Même si nous ne nous en rendons pas compte ou ne voulons pas l’admettre. Alors, quels sont les codes de cette communication animale ? Voici une sélection de conseils de Joe Navarro pour apprendre à lire sur les corps.

Bien observer

Prenez l’habitude d’observer la personne en face de vous. C’est plus facile à dire qu’à faire. Pendant l’entretien il faut observer les mains, les jambes, la posture, les gestes, les hésitations, les lapsus, etc. Si vous le pouvez, demandez à quelqu’un d’autre de mener l’entretien pour que vous puissiez vous focaliser uniquement sur le non verbal.

Observez dans le contexte. Il est normal que quelqu’un de choqué après un terrible accident ou accusé d’un crime grave présente tous les signes physiques de l’inconfort. Qui ne le serait pas ? Ce n’est donc pas nécessairement que la personne cache quelque chose. Il est juste normal de présenter ces signes à ce moment là.

Soyez discrets. Observer un phénomène modifie le phénomène observé. Si la personne en face de vous comprend qu’elle est regardée, elle modifiera son comportement en conséquence. Les honnêtes gens seront mal à l’aise et montreront des signes d’inquiétude. Les spécialistes du mensonge joueront la comédie. Votre capacité à lire les messages non verbaux pourrait en être fortement diminuée.

Noter les changements de comportement

Etablissez le comportement normal de la personne. Commencez par une discussion anodine qui met à l’aise et rassure. Cela vous permettra de comprendre le langage verbal de cette personne dans une situation où elle est à l’aise. Sinon, vous risquez de prendre pour un signe d’inconfort un comportement qui est quasi permanent chez votre interlocuteur. Certaines personnes se rongent les ongles toute la journée ! Cela en fait probablement des anxieux mais pas nécessairement des menteurs au moment où ils vous parlent.

Repérez les signes spécifiques à chaque personne. C’est plus facile pour les gens que vous connaissez bien. Nous avons tous nos habitudes et préférences. Certains gestes ont une certaines signification pour les uns et une autre signification pour les autres. Avec le temps vous pourrez repérer des gestes qui ne trompent pas pour un individu en particulier.

Détectez les changements de mode de votre interlocuteur : freeze, flight, fight. Nous avons trois réactions animales classiques dans des situations d’inconfort : rester figer, fuir ou se attaquer. L’immobilité et le silence trahissent le freeze. Nous espérons que le prédateur passera son chemin. Mettre un objet entre l’interlocuteur et nous ou tourner les pieds vers la sortie est un des exemples du flight inconscient quand nous ne pouvons pas quitter la salle. Enfin l’agressivité verbale est la forme policée du fight. Cela peut inclure la dénégation professionnelle, le sarcasme, l’insulte, l’allégation, etc.

Observer diverses parties du corp

Observez les mouvement des mains. Se toucher le visage, le cou, les épaules, les bras, les mains ou les jambes sont des comportements de pacification qui cherchent à nous rassurer en libérant de l’ocytocine. Ce sont des marques d’inconfort classiques et quasi universelles. On peut également noter joueur avec un objet, se toucher les cheveux ou manipuler un bijou.

Regardez la direction des pieds. C’est la partie du corps qui parle le plus car peu d’entre nous pensons à les mettre en scène. Debout, les deux pieds à plat face à son interlocuteur est une posture de combat. Un pied vers l’extérieur montre un une envie de quitter la conversation : les pieds sont toujours tournés vers là où nous souhaitons aller. A l’inverse, les pieds en déséquilibre montrent qu’on est à l’aise avec la conversation : nous sommes prêts à nous mettre en situation difficile en cas de besoin de fuir rapidement. Assis, une jambe croisée devant son interlocuteur peut trahir un besoin de créer une barrage et de bloquer la personne.

Observez les torses. Deux personnes qui sont du même avis se penchent l’une vers l’autre avec le torse en avant. S’ils sont en désaccord, ils seront penchés vers l’arrière et auront le torse de profil ou protègeront leur ventre de leurs bras.

Observez le visage. Comprimer ses lèvres est un réflexe universel qui montre que l’on est pas à l’aise avec ce qui est dit. Froncer les sourcils également. Un nez dilaté trahit la préparation de quelque chose. Nous prenons une quantité d’oxygène plus importante lorsque nous nous préparons à une action périlleuse. Et se toucher fréquemment le nez est une marque d’inconfort.

Observez les gestes de blocage. Fermer les yeux, se frotter les yeux, mettre les mains devant son visage, se pencher vers l’arrière, mettre un objet devant soi ou sur ses genoux, tourner ses pieds vers la sortie… Tous ces gestes montrent que l’on souhaite éviter le sujet.

Pour aller plus loin

Faites un pas en arrière pour vous une première impression. A la première rencontre, approchez vous pour saluer puis faites un pas en arrière et observez. Quelqu’un qui vous apprécie, a envie d’engager la conversation et est à l’aise fera probablement un pas en avant vers vous. Quelqu’un qui reste sur place n’indique rien d’autre que le fait que cette distance lui convient pour vous parler. Quelqu’un qui fait un pas en arrière ou se tourne vers une sortie est probablement mal à l’aise. En utilisant cette technique, gardez en tête que les distances sociales acceptables varient fortement entre cultures. 

Méfiez-vous des spécialistes. Certaines personnes peuvent pousser le jeu d’acteur jusqu’à envoyer des messages non verbaux volontairement faussés. Un joueur de poker professionnel, un acteur ou un acheteur expérimenté dans un grand groupe pourra avoir la maturité technique pour cela. Les signaux que vous percevez sont-ils réels ou manipulés ?

Lisez le livre ; il y a plein d’images !