Déclic part d’un concept simple, connu et efficace auquel s’oppose un obstacle majeur. Le concept : nous sommes tous très influencés et influençables par l’image que nous avons de nous-même. La petite histoire que nous racontons à notre sujet, comment nous expliquons ce qui nous arrive, les mots que nous employons pour nous décrire… Tout ceci impacte fortement nos décisions et trajectoires personnelles. Si nous nous percevons négativement, la prophétie devient auto-réalisatrice.

Cette idée est largement documentée. Dale Carnegie, pour ne citer qu’un auteur, y avait même consacré un chapitre (“Give the other person a fine reputation to live up to”) dans le classique plus que centenaire How to win friends and influence people. Et c’est d’autant plus intéressant qu’il peut suffire d’un court moment pour modifier durablement cette perception. C’est ce que les auteurs appellent un déclic, le titre de l’ouvrage. Il peut s’agir d’une rencontre, d’une phrase entendue, d’une réflexion, d’un livre que nous avons lu… c’est le moment de bascule entre une perception de nous-même et une autre. Ce déclic, les auteurs Philippe et Hélène Korda s’emploient depuis des années à le provoquer auprès de collégiens et lycéens français dans le cadre d’une association nommée Energies jeunes.

L’obstacle : cela ne fonctionne pas à l’échelle. L’immense majorité des programmes étatiques ou d’associations privées qui tentent d’aider des minorités défavorisées ont un impact négatif et au mieux nul lorsque l’on prend la peine de l’évaluer. Philippe et Hélène Korda, les auteurs, analysent dans Déclic une belle sélection de programmes majeurs et coûteux, qui avec les meilleures intentions du monde et parfois avec un marketing très efficace, font en fait plus de mal que de bien.

Pour comprendre pourquoi et comment, je vous suggère de lire le livre. C’est intelligent, intelligible et très bien documenté. Et pour celles et ceux qui s’intéressent plus au management qu’aux lycées, n’hésitez pas en parallèle à lire l’introduction (et ensuite le reste de l’ouvrage) d’Olivier Sibony Vous allez redécouvrir le management. Le constat est en partie similaire quant à la difficulté de transposer ailleurs ce qui fonctionne quelque part.

De mon côté, je garde quelque idées fortes de la lecture de Déclic :

  • Beaucoup de tentatives louables d’aider ont en fait des effets négatifs. Pour un ensemble de raisons liées à des effets pervers psychologiques. C’est notamment le cas dès qu’une action cible une catégorie précise de personnes qui se sentent alors stigmatisées.
  • Toujours analyser scientifiquement l’impact d’une politique publique onéreuse ou d’une action à très grande échelle. C’est complexe, demande un protocole précis et cela peut prendre des années. Ne pas évaluer les résultats provoque des erreurs collectives majeures.
  • Contrôler le contenu des interventions à l’échelle. L’interprétation, les tentatives d’explication, la qualité des intervenants et bien d’autres éléments de facteur humain expliquent la difficulté pour une association qui fonctionne à petite échelle, menée par quelques individus qui savent très bien ce qu’ils font, d’obtenir les mêmes résultats en masse. Il convient donc de supprimer le facteur humain tout en gardant l’humain, pas évident !

Liez donc Déclic ! Il pourrait même vous donner envie de rejoindre le beau projet d’Energies Jeunes qui promet d’éviter tous les pièges mentionnés dans l’ouvrage.


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