Centenaire, le manifeste de Charles de Gaulle a gardé tout son intérêt. Autobiographique d’abord, car comme le commente François Mauriac selon la quatrième de couverture de l’édition que j’ai dans les mains « Treize ans avant la catastrophe imprévisible, inimaginable à cette époque, ce jeune chef de trente-sept ans, d’avance sait ce qu’il fera et ce qu’il sera.« , mais aussi historique puisque les considérations de celui qui est à l’époque régulièrement conférencier ne sont pas inintéressantes et… managériales.

Les chapitres Du Caractère et Du Prestige, au milieu de l’ouvrage, brossent un portrait frappant de l’image du chef selon le futur Général de Gaulle. Qu’on soit d’accord ou non, on ne pourra pas lui reprocher de s’être plus tard appliquer ses propres principes à lui-même.

Sur le thème du management, je note en particulier

  • Un goût pour l’action. Dans ses réflexions, dans les choix de citations et à bien des moments du texte, on sent toute l’importance d’agir et de montrer l’exemple plus que de parler.
  • Le sens du temps long. On sent dans le propos une forme de recul et de considérations sur des décennies plus que des jours ou des mois.
  • Une conviction quant à l’alternance des époques. Epoques de paix et époques de guerre. Epoques inactives er époques actives. Epoques propices aux hommes de caractère ou non. L’auteur note « On s’explique fort bien que, suivant les époques, le Caractère soit, tour à tour, recherché ou tenu à l’écart« .
  • Un appel au Caractère et au sens du Prestige. C’est-à-dire à décider et agir tout en conservant un sens de la réserve et une forme d’imprévisibilité. Lisez par vous-même ces deux remarquables chapitres du court livre.
  • La nécessité de l’adaptation. L’auteur prône la compréhension du terrain, de l’ennemi et du contexte pour rester agile et éviter l’aveuglement lié aux théories et au dogmatisme.
  • L’équilibre des pouvoirs. Notamment la conviction de l’auteur que militaires et poliques ne peuvent se comprendre et s’apprécier tout à fait car ils sont par nature très différents ; et c’est tant mieux.
  • Philippe Pétain n’a pas toujours été l’homme que l’on pense. Nous en gardons l’image de l’homme de Vichy. Avant cela, il fut le modèle et le mentor de Charles de Gaulle des décennies durant.
  • Le thème de l’accélération du changement est au moins séculaire. Notons « Pour couler des jours tranquilles, on sollicitait toute la sagesse du monde ; à présent la vie est un raid où chacun donne tout ce qu’il peut » quelques lignes après « Quelle clientèle se conserve, quelle réputation est définitive, combien de temps une machine demeure-t-elle assez moderne ? » en plus de la très claire phrase d’incipit de l’ouvrage : « L’incertitude marque notre époque ».

Quelques citations intéressantes

  • « On demandait au maréchal Pétain ce qui lui paraissait, dans l’action, réclamer le plus grand effort : « c’est d’ordonner ! », répondit-il. En effet, l’intervention de la volonté humaine dans l’enchaînement des événements a quelque chose d’irrévocable. Utile ou non, opportune ou malheureuse, elle entraîne des conséquences indéfinies. Le sentiment seul de cette audace est un grave élément d’intimidation. Beaucoup d’hommes ne le surmontent pas aisément dans la vie courante et la masse de ceux qui subissent est innombrable par rapport aux entreprenants.« 
  • « Parfois, le chef, inapte à se décider, se donnne par l’agitation l’apparence et l’illusion de l’activité et, s’attachant à quelques détails , consume en interventions accessoires et désordonnées son désir d’influer quand même sur les événements.« 
  • « Le profond ressort de l’activité des meilleurs et des forts est le désir d’acquérir de la puissance.« 
  • « Dans l’armée comme ailleurs, on dit que « le respect s’en va ». Plutôt, il se déplace !« 
  • « Le prestige ne peut aller sans mystère, car on révère peu ce que l’on connaît trop bien.« 
  • « Rien ne réhausse l’autorité mieux que le silence, splendeur des forts et reguge des faibles, pudeur des orgueilleux et fierté des humbles, prudence des sages et esprit des sots.« 
  • « La réserve systématique observée par le chef ne produit, cependant, d’impression que si l’on y sent enveloppées la décision et l’ardeur. On connaît de ces gens impassibles qui passent quelques temps pour des sphynx et bientôt pour des imbéciles. L’ascendant naît, justement, du contraste entre puissance intérieure et maîtrise de soi, comme l’élégance du joueur consiste à renforcer ses apparences de sang-froid lorsqu’il élève les enjeux et comme les effets les plus pathétiques obtenus par l’acteur tiennent au spectacle qu’il donne d’une émotion contenue »
  • « Réserve, caractère, grandeur, ces conditions du prestige imposent à ceux qui veulent les remplir un effort qui rebute le plus grand nombre »
  • « Il existe, en effet, un curieux rapport, mais incontestable, entre le renoncement des individus et la splendeur du tout. »

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