L’ouvrage de Yuval Harari part d’un pari fou : résumer l’histoire de l’humanité en trente heures de cours. Cela a conduit l’auteur, professeur d’université, à une réflexion brillante sur ce qui constitue l’essence de l’être humain. Tous les lecteurs de Sapiens s’accordent sur un point : ce livre est lumineux.
C’est d’abord très riche. C’est dense en termes de nombre de concepts. On pourrait enregistrer des dizaines de vidéos TED avec le contenu d’un seul chapitre. C’est très précis et érudit. Les propos sont mesurés et laissent une part au doute. Les objections sont presque toutes anticipées avant que le lecteur ait pu les formuler.
C’est aussi souvent brillant. On y trouve de nombreuses phrases chocs, quelques traits d’humour bien sentis et des anecdotes croustillantes. L’œuvre donne le sentiment d’une grande objectivité intellectuelle. C’est suffisamment provocateur pour faire réfléchir. Cela peut même déranger ; car c’est parfois politiquement incorrect.
A la première lecture, j’avais été frappé par le nombre d’espèces animales que l’homme a fait disparaître, par le concept de réalité intersubjective et par l’importance de laisser des blancs sur les mappemondes. J’ai décidé d’en faire une seconde lecture plus systématique axée de la question : « Que faut-il en retenir ? ».
Je pensais passer de trois concepts importants à une douzaine ; j’ai gratté dix-huit pages de cahier grand format. Voici donc ma synthèse. Elle m’a pris bien plus de temps à rédiger que je ne l’avais anticipé.
Et vous, que retenez-vous de Sapiens ?
Outre cet article, ce blog contient une liste curatée de bons livres business et des synthèses de livres business. D’autres condensés vous donneront peut-être envie d’aller plus loin…
Nous sommes des chasseurs-cueilleurs
L’homo sapiens, individuellement, est très similaire à ses cousins grands singes. Sa réalité biologique, son comportement individuel et même sa vie en société dans des tribus regroupant jusqu’à cent cinquante individus sont très comparables aux bonobos et aux gorilles, voire à d’autres mammifères.
A l’état naturel, l’homo sapiens est violent, il prend des décisions avec une compréhension limitée des impacts à long terme et divise le monde entre « nous », qui correspond à sa zone de confiance et de paix, et « eux » en qui il a peu confiance. Il est responsable de ll’extinction de de très nombreuses races animales et probablement humaines.
L’auteur avance ainsi l’idée que que l’homo sapiens n’était pas la seule espèce de singe intelligente, mais qu’il a progressivement fait disparaître ces autres espèces au travers de guerres, de massacres et d’intégration. Il a aussi chassé jusqu’à l’extinction de centaines de races animales à travers le monde au cours des derniers millénaires.
Notre biologie nous a fait évoluer pour devenir des chasseurs-cueilleurs. Une partie de nos réflexes instinctifs et du fonctionnement de notre corps s’explique par ce rapport ancestral à la nature. Ce jeu de réflexes s’avère très malléable et s’adapte à de très nombreux modes de vie. Aucun ordre social n’est naturel ; tous relèvent d’une construction mentale et sociale.
Notre réalité peut être balayée par des puissances externes en dehors de nos schémas mentaux. L’auteur décrit par exemple la conquête des empires aztèques et mayas par les Espagnols. Sur le même thème mais cette fois en Afrique, on pourra lire Things fall apart de Chinua Achebe. Les valeurs collectives sont alors bousculées.
Nous sommes des conteurs
C’est la capacité à raconter et croire des histoires qui fait la spécificité de l’homme. Les autres animaux vivent limités à la réalité objective (ce que l’on peut physiquement toucher et observer) et à la réalité subjective (ce que l’on ressent en tant qu’individu). L’homme est capable d’y ajouter une très riche couche de réalité intersubjective.
La réalité intersubjective existe parce qu’un ensemble de personnes sont d’accord pour la faire exister. Cette réalité imaginaire représente le fondement de nos sociétés et est différente du mensonge. La monnaie, l’empire et la religion sont les intersubjectivités qui ont le plus marqué les premiers développements humains.
Narrer par écrit l’emporte sur l’oral. Ainsi, l’archivage et le catalogue sont encore plus importants que l’écriture. Des histoires sont créées à tout moment lorsque des individus communiquent. La plupart disparaissent dans l’instant. Certaines perdurent. Celles qui sont arrivées jusqu’à nous ont été aidées par un support physique.
L’homme excelle à croire des choses contradictoires. Il peut être chrétien et partir en guerre et i peut concilier un Dieu bon avec l’existence du diable. Les dissonances cognitives font les twists des films hollywoodiens et constituent un des meilleurs points d’entrée pour comprendre une culture.
Ces points de tension où les esprits oscillent entre deux impératifs permettent de toucher le cœur des choses. Nous pouvons vouloir deux valeurs qui se contredisent comme la liberté individuelle et l’égalité. Les deux derniers siècles ont cherché à concilier les deux. De même, peut-on être dans et hors de la nature ?
La sédentarisation a sorti l’homme de la nature
La sédentarisation a modifié le rapport d’homo sapiens à la nature. Celui-ci se voit en maître : il arrange les plantes en semant et en récoltant. De même pour les animaux lorsque ceux-ci sont parqués et entretenus. L’homme ne se voit plus comme faisant partie de la nature, mais comme dominant la nature.
La sédentarisation change aussi le rapport au temps. Les chasseurs-cueilleurs se déplacent et tirent leur nourriture de multiples sources. Leurs actes ont peu d’influence sur leur environnement et ils évoluent en fonction des saisons. Les cultivateurs sont ancrés sur leurs terres et doivent prendre des décisions pour anticiper le futur.
L’auteur défend l’idée que la révolution agricole fut un piège pour l’homme. Elle a imposé une logique du toujours plus, la nécessité de défendre la propriété et le besoin de construire des strates sociales complexes. Cela sans possibilité de retour en arrière et avec une perte à court terme de qualité de vie.
Ce sont les marchands, les conquérants et les prophètes qui font l’histoire
La monnaie permet aux marchands d’échanger un objet ou un service contre un autre. Elle peut se matérialiser par de nombreuses manières physiques ou non. Il suffit qu’elle soit stoccavle et qu’elle soit largement acceptée. C’est le système de confiance mutuelle le plus universel et le plus efficace jamais imaginé.
L’argent crée une très forte liquidité dans les relations humaines et ne nécessite pas une confiance très forte en l’interlocuteur. La monnaie demande simplement d’avoir confiance en la monnaie elle-même ! Peu importe que la personne en face de nous appartienne au même empire ou à la même religion.
Cependant, elle suscite une tension entre ce qui s’achète et ce qui ne s’achète pas. Les communautés humaines et les familles sont fondées sur la croyance en des choses sans prix telles que l’honneur, la loyauté, la morale et l’amour. La monnaie teste ces barrières : à partir d’un certain montant, tout a un prix. Mais combien ?
Nous vivons tous dans des empires de fait. Et ils ont tous été fondés sur d’autres empires. Même si nous croyons parfois l’avoir oublié. Les empires intègrent les tribus avec le temps : sous un empire se cache un autre empire plus ancien. « Eux » est devenu progressivement « Nous » par jeu d’intégration culturelle.
L’empire a pour caractéristique sa volonté d’organiser plusieurs peuples dans un système aux frontières souples. Il est divers culturellement et a un appétit de conquête potentiellement illimité. Les empires tiennent parce que les élites y croient et ils sont en général renversés par une attaque externe ou par une scission de ces élites.
La religion peut être animiste, polythéiste, dualiste ou monothéiste. L’animisme place l’homme dans la nature et est probablement la religion de chasseurs-cueilleurs localisés. Le polythéisme permet une approche plus large géographiquement et a potentiellement un lien avec une culture plus sédentarisée.
Le dualisme et le monothéisme sont par nature moins tolérants que l’animisme et le polythéisme. Ils présentent une vision plus figée du monde qui s’accommode moins facilement d’ajouts. Cependant, on y trouve des traces d’anciennes croyances. Par exemple, le diable et les saints pour ne mentionner que la chrétienté.
L’auteur définit la religion comme une intersubjectivité liée à un élément d’explication surhumain. En cela, il assimile certaines idéologies à des religions, notamment le communisme, le libéralisme ou le nazisme. Et il reclasse certaines religions comme le bouddhisme ou le taoïsme en art de vivre. C’est très polémique, mais passionnant !
L’humanisme peut ainsi être considéré comme une religion : il considère que l’Homo sapiens possède une nature unique et sacrée, différente de tous les autres animaux. Ce culte de l’humain est à l’origine des dix commandements modernes que sont les droits de l’homme. Lisez le le livre dans le détail pour mieux saisir les implications !
L’apparition de religions universelles et missionnaires a fait une énorme différence sur notre monde. Les religions qui se sont donné la peine de dépasser leurs frontières géographiques et ethniques ont eu un impact très fort sur la soif de conquêtes territoriales et l’unification de la culture mondiale.
La révolution scientifique accélère l’histoire
L’auteur affirme que sur une période longue, l’histoire de l’homme tend à l’unification à l’échelle planétaire. Les tribus individuelles sont rassemblées en empires et en religions de plus en plus vastes et partagées. Ce mouvement, avec parfois de courtes pauses ou régressions, se poursuit depuis aussi longtemps que l’on peut l’observer.
Ce mouvement était cependant lent et les évolutions techniques peu nombreuses : l’auteur avance que les sociétés traditionnelles plaçaient presque toutes leurs âges d’or dans le passé et que la différence se faisait peu sur l’innovation. Par exemple, c’est l’organisation plus que la technique qui donnait l’avantage à l’armée romaine.
La révolution scientifique a accéléré les choses autour des années 1500. Elle tient en la capacité à admettre qu’on ne sait pas, dans l’observation et dans l’envie de bâtir sur ce qui est connu pour découvrir de nouvelles choses. On va alors à l’encontre des mythes fondateurs qui mettaient en garde contre l’innovation (Babel, le Golem, Icare).
La science a rarement un but par elle-même, si ce n’est celui d’en découvrir toujours plus au travers de la recherche fondamentale. Son agenda est de fait dicté par l’économie, le pouvoir et la religion parce qu’il y a toujours un sujet de priorisation des ressources. L’un de ces trois moteurs influence systématiquement es priorités.
Pourquoi l’Europe de l’Ouest a-t-elle pris l’envergure qu’elle a aujourd’hui ? Elle fut longtemps une périphérie du bassin méditerranéen sans grande importance à l’échelle du développement mondial. Explication : la révolution scientifique alliée avec une soif d’expansion et le capitalisme ont permis à l’Europe de partir à la conquête du monde.
L’ambition de conquête des Européens fut exceptionnelle. Les autres civilisations étaient au moins aussi avancées à l’époque. Et elles ont eu connaissance des découvertes européennes, notamment celle des Amériques. Pour autant, elles n’ont simplement pas été intéressées par les opportunités offertes.
Le même scénario s’est répété au moment de la révolution industrielle. Pour en profiter, il a manqué aux pays non occidentaux les valeurs, les mythes, l’appareil judiciaire et les structures sociopolitiques dont la formation et la maturation prirent des siècles en Occident. Ils s’organisaient différemment et ont donc suivi plus lentement.
Empire et science firent du très bon et du très mauvais. Les Européens apportèrent l’éducation et la technologie aux territoires conquis. Ils s’intéressèrent à la faune, la flore, la géographie et l’histoire des lieux comme les locaux ne l’avaient jamais fait. Ils apportèrent aussi maladies, famine, violence et servitude. Tout cela à la fois.
La science a servi d’alibi à des ambiguïtés qui sont en fait des réalités doubles. Le voyage de James Cook était-il militaire ou scientifique ? Il était les deux. Les manuels de biologie mentionnent peu les souffrances des aborigènes mais font fréquemment l’apologie de James Cook pour ses découvertes. L’histoire a retenu le volet science.
Progrès et croissance accélèrent encore
La croyance en la croissance a accéléré les transformations. Cela a permis d’ajouter la dimension du temps à la monnaie pour créer le concept de crédit. Notre économie moderne est une pyramide de Ponzi fondée sur la croyance que nous serons collectivement plus riches demain. Tant que cela se vérifie, tout fonctionne.
Le progrès est devenu une valeur phare. Avant 1500, la plupart des élites pensent que l’âge d’or est derrière nous et que la quantité produite dans le monde est à peu près stable. Si la lecture d’Adam Smith ne nous paraît pas révolutionnaire, c’est que c’est devenu une évidence. C’était provocateur à l’époque !
Dès lors, la confiance prend une importance primordiale. La croyance qu’un crédit sera remboursé et que les droits de la propriété privée seront respectés devient les moteurs principaux de l’économie. La disponibilité de matières premières ou de ressources humaines est comparativement moins importante.
Cependant, livré à lui-même, le marché est dangereux pour l’homme. L’esclavage a été organisé par le marché, pas par des Etats. Les sociétés privées tendent à s’armer et déclencher des guerres si on le leur permet. Des millions de personnes sont mortes lors des famines que l’histoire a oubliées.
Ce sont les marchands hollandais et pas l’Etat hollandais qui ont conquis l’Indonésie. De même pour l’Empire britannique qui fut créé par et pour des compagnies privées : on a même pu aller jusqu’à financer des révolutions au travers de la bourse comme le montre l’exemple de l’obligation « rébellion grecque » cotée en bourse à Londres.
Le marché doit être régulé par des contre-pouvoirs. Le politique doit instaurer la confiance contre la fraude, le vol et la violence. Police, tribunaux et prisons servent à faire respecter la loi. La sécurité et la confiance en l’avenir permettent au crédit d’activer sa dynamique positive ; et l’attirail social aide à contrôler le marché.
Les principales croyances de notre monde actuel
Nous vivons dans une ère technique. Nous sommes convaincus que la science et la technologie détiennent la réponse à nos questions. Nous fondons également notre réalité sur un ensemble d’autres concepts moins évidents : pacifisme, horaires, exploitation animale, consumérisme, recherche du bonheur, Etat, écologie…
Nous vivons une époque pacifique. Les guerres de territoires sont devenues peu utiles puisque la richesse vient de la confiance dans le remboursement du crédit et l’état de droit plus que des ressources humaines et du sol. A l’inverse, la paix est beaucoup plus lucrative qu’elle n’a pu l’être par le passé.
Nous vivons dans un monde d’horaires renforcés par la spécialisation du travail et la disponibilité de transports publics fiables. Dans un monde où chacun réalisait des tâches de bout en bout et où l’on éprouvait des difficultés à se rassembler à heure fixe, le rapport au temps était très différent.
Notre alimentation est bâtie sur la souffrance animale. Nous y sommes collectivement aussi indifférents que les bourgeois européens du XVIIIème siècle l’étaient vis-à-vis de l’esclavage. Ceux qui ont financé la traite négrière étaient des bourgeois chrétiens bien-pensants aimant les arts et leurs enfants, pas d’affreux sans cœur. Et nous ?
Nous croyons dans le consumérisme. Par exemple, Noël est devenu une fête commerciale bien plus que religieuse. Et les cadeaux jouent un rôle fort dans notre relation à la famille. Remarquons que le consumérisme est l’une des premières religions dont les adeptes font réellement ce qu’on leur demande de faire !
La recherche du bonheur est devenue un diktat. Biologiquement, le bonheur est une stimulation du cerveau par quelques hormones comme l’ocytocine. Il dépend d’une base de départ stable pour un individu donné. On l’atteint avec de l’argent, la santé, du lien social et en limitant ses attentes. Ou encore par la recherche de la sérénité.
Chercher un sens à sa vie est un diktat et une illusion supplémentaire. A l’échelle cosmique, la vie n’a pas de sens connu en dehors de croyances religieuses. Dès lors, la recherche du bonheur pourrait consister à synchroniser ses illusions personnelles avec les illusions collectives dominantes de son époque. Désespérant, non ?
L’Etat et le marché remplacent la famille et la communauté locale. Famille et communauté locale constituaient historiquement les piliers du monde humain. Les royaumes et empires étaient surtout un échange de protection contre de l’impôt. Cela explique les mariages arrangés ou l’absence d’éducation obligatoire généralisée.
Il y a encore peu, quitter sa famille représentait un gros risque. Aujourd’hui, l’Etat se propose de garantir nourriture, hébergement, éducation, santé, aide sociale, pensions, assurance, etc. Cela permet par exemple de choisir librement son travail et son conjoint. Ce sont des libertés récentes. L’individualisme remplace le collectif.
La raréfaction des ressources est selon l’auteur une fausse idée. L’énergie permet de transformer une ressource en une autre ressource. Et l’énergie existe en très grande abondance. Notamment l’énergie solaire et gravitationnelle dont la quantité disponible dépasse de très loin nos besoins, même futurs. Nous dépasserons ce concept.
En revanche, la tension écologique est une réalité. C’est un cas classique d’erreur collective où nous éprouvons des difficultés à faire des choix individuels informés qui ont un impact positif à long terme. Notre consommation invisible de dioxyde de carbone modifie significativement notre climat et crée un danger à grande échelle.
Le meilleur des mondes possibles ?
Notre monde est le résultat de carrefours de l’histoire où une direction a été prise plutôt qu’une autre. Ce qui paraît après coup inévitable était loin d’être acquis à l’époque. Nous avons tendance à avoir une vision linéaire et romancée de l’histoire. Mais même quand le comment est bien documenté, le pourquoi reste en fait très flou.
Les possibilités qui paraissent improbables aux contemporains se réalisent souvent. Et les révolutions sont par nature imprévisibles. Si elles étaient prévisibles, elles ne se produiraient pas. L’idée que la chrétienté devienne le culte principal de Rome aurait semblé absurde au IIIème siècle. Qui sait ce qui paraîtra évident au siècle prochain ?
Et les choix de l’histoire ne bénéficient pas aux hommes individuellement. Ils peuvent être au profit d’un certain génome en termes de nombre de copies ou bénéficier aux idées en termes de nombre de cerveaux qui partagent une croyance. L’individu en tant qu’être sensible est souvent oublié et parfois sacrifié sur l’autel de l’histoire.
On peut même relire l’histoire de l’homme du point de vue du blé, du téléphone portable ou des idées. Et si c’était le blé qui avait asservi l’homme pendant la révolution agricole ? Et si les cultures étaient des sortes de parasites dont les cerveaux des hommes sont les hôtes consentants ?
L’aide à la décision peut nous conduire à commettre moins d’erreurs. Notre incapacité à mesurer toutes les conséquences d’une décision nous coûte. L’auteur nomme la sédentarisation comme « la plus grande escroquerie de l’histoire ». De même, la dépendance à l’énergie fossile pourrait être la plus grande erreur collective qui soit.
Le meilleur reste à venir
De nouveaux carrefours sociaux et techniques se profilent à l’horizon. D’abord, les femmes pourraient prendre le pouvoir. L’auteur aborde ce point hautement polémique par très petite touches. Il note que la quasi-totalité des sociétés humaines historiques sont patriarcales, mais que les explications pour cela sont peu convaincantes.
Ensuite, homo sapiens aspirera mécaniquement dépasser ses propres limites. Les voies envisagées incluent la médecine individualisée pour une efficacité accrue des traitements, le génie génétique pour modifier le vivant, la combinaison de la vie avec le bionique et la vie inorganique en créant de l’intelligence artificielle.
Après, l’idée de vaincre la mort devient envisageable. L’objectif est bien évidemment encore loin et le rêve de l’immortalité est vieux comme le monde. Cependant, le sujet apparaît de plus en plus comme une réalité techniquement accessible parce que nos croyances d’aujourd’hui sont fondées sur la science et la technologie.
Impensable ? Mais on n’arrête pas le progrès ! Il est plus sage de chercher à l’accompagner et à l’influencer que de vouloir y résister. Pour cela, il faut faire évoluer les questions avec son temps : nous sommes passés de la question « Que pouvons-nous ? » à « Que voulons-nous ? » jusqu’à arriver à « Que voulons-nous vouloir? ».
Que voulons-nous vouloir ?
Si cette dernière question « Que voulons-nous vouloir ? » ne vous donne pas le frisson, c’est selon Yuval Harari que vous n’y avez pas encore assez réfléchi !
Et vous, qu’avez-vous retenu de la lecture de Sapiens ?
Une sélection de citations
« Un besoin qui s’est formé à l’état sauvage continued’être ressenti subjectivement même s’il n’est plus vraiment nécessaire à la survie ou à la reproduction. »
« La biologie permet, la culture interdit. »
« La révolution agricole fut un piège. »
« Les raisons de cette erreur de calcul fatidique sont les mêmes tout au long de l’histoire. Les gens ont été incapables de mesurer toutes les conséquences de leurs décisions. ».
« Ce sont le blé, le riz et les pommes de terre qui domestiquèrent l’Homo sapiens plutôt que l’inverse. »
« L’espace agricole se rétrécissant, le temps agricole augmenta ».
« Les ordres imaginaires ne sont ni des conspirations exécrables ni de vains mirages. Ils sont plutôt la seule façon pour les hommes de coopérer effectivement. ».
« Un ordre imaginaire court toujours le danger de s’effondrer, parce qu’il dépend de mythes, et que les mythes se dissipent dès que les gens cessent d’y croire. »
« Les principes universels n’existent nulle part ailleurs que dans l’imagination fertile des Sapiens et dans les mythes qu’ils inventent et se racontent. »
« Toute hiérarchie imaginaire désavoue ses origines fictionnelles et se prétend naturelle et inévitable. ».
« La plupart des gens ne veulent pas admettre que l’ordre qui régit leur vie soit imaginaire, mais en fait chacun naît dans un ordre imaginaire préexistant. »
« Comme l’élite égyptienne, la plupart des gens, dans la plupart des cultures, passent leur vie à construire des pyramides. D’une culture à l’autre, seuls changent les noms, les formes et les tailles de ces pyramides. »
« L’histoire est une chose que fort peu de gens ont fait pendant que tous les autres labouraient les champs et portaient des sceaux d’eau ».
« Il n’y a pas moyen de sortir de l’ordre imaginaire. Quand nous abattons les murs de notre prison et courons vers la liberté, nous courons juste dans la cour plus spacieuse d’une prison plus grande. ».
« L’interprétation du passé est un test de Rorschach qui nous renseigne surtout sur les préjugés des chercheurs modernes. »
« Un bon historien trouve des précédents à tout. Mais un meilleur historien sait quand ces précédents ne sont que des curiosités qui brouillent la règle. »
« Marchands, conquérants et prophètes furent les premiers qui réussirent à dépasser la division binaire issue de l’évolution « nous contre eux », et à prévoir l’unité potentielle de l’humanité. »
« Contrairement aux lois de la physique, qui n’admettent pas la moindre inconséquence, tout ordre humain est truffé de contradictions internes. »
« Libre association et pensée holiste ont laissé la place au compartimentage et à la bureaucratie. »
« La cohérence est le terrain de jeu des esprits bornés. ».
« Les produits de luxe deviennent des nécessités et engendrent de nouvelles obligations. »
« Les hommes dominants n’ont jamais été si ternes et si lugubres que de nos jours. »
« La monnaie est le système de confiance mutuelle le plus universel et le plus efficace qui ait jamais été imaginé. »
« Aucun espace vide sur ces cartes. Elles donnaient l’impression d’un monde totalement familier. »
« Cortès était à la tête d’une expédition indépendante d’aventuriers cupides. Le roi d’Espagne n’avait jamais entendu parler de lui ni des Aztèques. »
« Ce sont les marchands hollandais, non pas l’Etat hollandais, qui ont construit l’Empire hollandais. »
« Ce qui paraît après coup inévitable était loin d’être évident à l’époque. »
« Les possibilités qui paraissent très improbables aux contemporains se réalisent souvent. »
« Une superpuissance peut être vaincue si une lutte locale devient une cause mondiale et un sujet de dissension au sein de la superpuissance. »
« L’Europe était si désolée et barbare qu’elle ne valait même pas la peine d’être conquise. »
« Les empires européens firent tant de choses différentes sur une si grande échelle que l’on peut trouver quantité d’exemples pour prouver ce que l’on veut. »
« Les révolutions sont, par définition, imprévisibles. Une révolution prévisible ne se produit jamais. »
« Les choix de l’histoire ne se font pas au bénéfice des hommes. »
« Le culturalisme a remplacé le racisme. »
« Ce n’est pas l’animosité qui inspire l’industrie animalière moderne, mais l’indifférence. »
« Le shopping est la première religion de l’histoire dont les adeptes font vraiment ce qu’on leur demande de faire. »
« Le commandement suprême du riche est : investis ! Celui du commun des mortels : achète ! »
« Personne ne veut payer des impôts, mais tout le monde investit volontiers. »
« Les cultures peuvent être vues comme une sorte d’infection mentale ou de parasite, dont les hommes seraient les hôtes involontaires. »
10 credos personnels sur la base de Sapiens
Raconter est la source du pouvoir. L’art de bâtir un récit, de convaincre et d’emmener avec soi dans une vision collective est la première compétence humaine.
Avoir des options ouvertes apporte de la sérénité. Le chasseur-cueilleur en nous est rassuré quand il a de nombreux moyens possibles pour assurer sa subsistance.
Se faire aider dans les décisions est une obligation morale. Nous avons un track record collectif désastreux, surtout quand les implications sont larges et à long terme.
Identifier les schémas permet de les déjouer. L’histoire avance, mais les mêmes mécanismes se répètent. Il faut les apprendre pour mieux les appréhender.
Définir ses règles de vie est un impératif. Notre instinct, notre biologie, les normes sociales et notre entourage nous tiraillent. Sans cap, nous partons à la dérive.
Décider ses communautés imaginaires permet d’agir sur sa vie. A nous de choisir les groupes auxquels nous voulons appartenir et la place que nous leur attribuons.
Les business de troc sont voués à rester limités. Ils ont trop de friction et il leur manque la monnaie qui permet de transformer toute chose en toute autre chose.
Permettre la traçabilité mènera à un monde plus juste. Sinon l’indifférence et l’ignorance nous permettent de faire du mal avec les meilleures intentions du monde.
Curater est la nouvelle aventure. Quand tout paraît avoir été exploré, l’art de trier, sélectionner le meilleur, le faire ressortir et de le diffuser constitue la nouvelle frontière.
Vouloir vouloir est le choix ultime. C’est-à-dire organiser les choses autour de soi pour se mettre en situation de vouloir. Organisons nous-même notre propre nudge !