Yann Le Cun connait bien le sujet de l’intelligence artificielle. Il fait partie du paysage de la recherche sur le sujet depuis maintenant 40 ans et est un des chercheurs les plus reconnus au monde dans le domaine. On lui a même décerné le prix Turing !
Passé par Bell Labs pendant la période de gloire du laboratoire d’AT&T, il a fait partie de plusieurs autres laboratoires de recherche universitaires et privés aux Etats-Unis avant de rejoindre celui de Facebook où il officie désormais.
Son ouvrage est une belle entrée en matière sur ce sujet important pour les années à venir. Au-delà d’une quasi biographie professionnelle, il fait un historique bien mené du développement de la science de l’intelligence artificielle sur les dernières décennies. Et il explique clairement les différentes technologies sans pour autant en cacher les complexités. Les formules mathématiques et les codes en Python sont écrits noirs sur blancs ET l’explication qui les suit est limpide. C’est donc toujours précis, technique ET intelligible. Quitte à prendre un cours d’intelligence artificielle, autant que ce soit avec un des meilleurs experts du sujet !
En parallèle, la réflexion proposée forme une belle ode à la recherche fondamentale et à l’aspect ouvert de la recherche. On y trouve quelques bonnes pratiques sur comment faire avancer la science mondiale et accélérer encore les découvertes collectives. Bref, si le sujet de l’intelligence artificielle vous passionne, c’est un excellent complément à La fin de l’individu de Gaspard Koenig qui prend une approche plus sociétale. A lire juste avant ou juste après.
Je copie colle ici quelques réflexions personnelles tirées de l’ouvrage. Ce n’est pas un résumé, juste quelques idées que j’ai voulu garder.
Curatus est une initiative pour faire lire aux professionnels plus d’ouvrages… Professionnels. Lisez le manifeste. C’est aussi une sélection d’excellents livres pros et une maison d’édition. Rejoignez le mouvement !
Quelques notes :
la recherche fondamentale est financée à perte par des sociétés qui peuvent se le permettre. Bell Labs était une grande oeuvre. L’éclatement d’AT&T l’a fait imploser car c’était un centre de coûts sans revenus.
L’IA a connu plusieurs hivers, c’est-à-dire des périodes où plus personnes n’y croyait.
Parfois, il faut être au bon endroit au bon moment et cela a un prix. par exemple l’université d’été où l’auteur est allé quelques mois. Y être a lancé sa carrière, mais il a manqué la naissance de son premier enfant…
La donnée disponible et la puissance de calculs changent la donne. ImageNet est une base de donnée publique de grande taille qui a permis des avancées significatives.
les couches de réseaux de neurones permettent de chercher des indices différents à chaque couche et donc d’être beaucoup plus précis, par exemple dans la recherche d’image. Le deep learning s’appelle d’ailleurs ainsi car il est multi-couches de neurones.
Les neurones artificiels copient les neurones biologiques. La recherche médicale a beaucoup fait progresser l’intelligence artificielle. Notamment la recherche sur l’oeil.
Les meilleures IA sont 10 000 fois moins puissantes que l’humain. Et le cerveau humain consomme 25 watts ; créer une IA 10 000 de fois plus puissante que ce que nous faisons actuellement est aujourd’hui hors de portée.
Il y a toujours un polynome de degré X (i.e. puissance X) qui permet de passer exactement par X points. Il faut choisir la fonction la plus simple parmi toutes celles qui expliquent les points, sinon cela demande trop de puissance de calculs.
Bert de Google est la base de nombreuses applications de détection de neurolinguistique. En neurolinguistique, chaque mot est un vecteur et plusieurs systèmes peuvent se superposer : un qui reconnaît les mots, un qui prédit les mots, un qui reconnaît l’intention….
Un graphe en informatique est une représentation dans la mémoire de l’ordinateur d’un réseau de noeuds connectés par des liens.
La recherche doit être publique et open source qui pour avancer et attirer les meilleurs talents.
Paris compte FAIR-Paris, Google Brain, Deepmind, Samsung, Amazon, Huawei, Valeo, Thales et PSA comme centres de recherche en IA cités par l’auteur.
L’IA a des ratés qui sont le prix à payer de son efficacité à large échelle. Par exemple elle ne comprend pas l’ironie ou les sous-entendus.
L’IA n’a pas de modèle de représentation du monde, n’a pas de bon sens, a besoin d’énormément de données pour s’entraîner. Lorsque entraîner l’IA demande d’être réalisé dans le monde réel, cela pose des problèmes de faisabilité.
4 applications intéressent les grands groupes : la médecine, le véhicule autonome, l’assistant virtuel et le robot domestique et industriel.
l’IA est une technologie pervasive comme une autre. Elle est comme l’électricité, la machine à vapeur, Internet ou l’eau courante : elle sera vite partout et transformera notre monde.
Ce n’est pas la première fois que la technologie dépasse les capacités de l’homme : un avion va plus vite que nos jambes, un ordinateur calcule plus vite que nous et l’électricité remplace la force de bien du monde. L’IA sera un outil de plus. Comme tous les outils, il peut être utilisé pour le pire et pour le meilleur.