Tout le monde utilise Excel, même à très haut niveau. Peut-être même surtout à très haut niveau. Les dirigeants et membres de comités exécutifs passent plus de temps sur Excel qu’ils ne veulent bien l’admettre. Et peu savent vraiment s’en servir. Dommage !
Excel est un outil puissant, mais aussi un gouffre à temps. On peut réaliser une modélisation très puissante en quelques heures comme on peut passer des semaines à s’arracher les cheveux sur un classeur mal construit et rempli d’erreurs. j’ai toujours vu une corrélation négative entre le temps passé et la qualité du résultat : les excellents fichiers Excel se construisent très vite. Encore faut-il savoir le faire !
Parfois, c’est encore pire : on n’est pas soi-même l’auteur du document. Ouvrir le fichier Excel de quelqu’un d’autre est un enfer. C’est presque toujours inintelligible. L’expérience est fréquemment perturbante, comme entrer dans la chambre non rangée d’un adolescent en pleine crise existentielle. D’ailleurs, soyons honnêtes, il est souvent très difficile de comprendre ses propres Excel quelques mois après les avoir créés. Je est un autre…
Mais vous a-t-on appris à ranger cette chambre d’adolescent ? Les formations Excel consistent souvent en l’apprentissage d’une longue liste de formules et de fonctionnalités inutiles à notre activité du jour. Pour bien le manier, gagner du temps, éviter les erreurs et en faire l’outil puissant qu’il doit être, il s’agit bien plus de savoir architecturer une logique efficace et lisible que de gagner le concours du nombre d’options maîtrisées. .
Je compte un avant et un après ma formation. A la fin des années 2000, Matthieu (aujourd’hui membre de l’équipe dirigeante d’un grand groupe pharmaceutique suisse), qui savait qu’il allait hériter de mon fichier et n’avait pas du tout l’intention d’y perdre ses soirées, a un un jour pris deux heures pour m’expliquer au son de « Bon, je vais te montrer comment on se sert d’Excel. On m’a montré aussi… »
Ca n’a pas changé ma vie, mais ça m’a sauvé quelques soirées. Voici une synthèse de l’enseignement de Matthieu et de quelques apprentissages par la suite. Et il ne s’agit pas de codage de formules ; c’est même tout le contraire!
Choisir le bon outil
Utilisez Excel seulement pour les modélisations chiffrées. Choisissez Word pour le texte, Powerpoint pour les diaporama et de manière générale un moyen adapté à votre besoin. Evitez de tenter de réaliser sur Excel quelque chose qu’il n’est pas censé faire.
Laissez l’Excel au format Excel. Faites un simple copié-collé au format image si vous devez vraiment intégrer un élément dans dans un diaporama PowerPoint ou un mémo Word. On voit beaucoup trop souvent du travail manuel et artificiel de réécriture d’un outil à l’autre.
Donner une bonne première impression
Commencez par une feuille d’introduction. Comme une page de garde : une feuille blanche avec juste une boîte de texte. Un titre, un sous-titre, la date… et une description écrite comme si vous envoyiez les document par e-mail.
Nommez les feuilles avec un vrai nom. Si possible court et lié sujet de la feuille. Très peu d’Excel ont des feuilles bien nommées. Ayez cette courtoisie.
Mettez les feuilles dans un ordre logique. Mettez les plus importantes en premier. Reléguez les feuilles de backup à la fin. Créez des intercalaires si nécessaire.
Expliquez votre modèle sur une page PPT. Comprendre un modèle Excel est toujours difficile. Ecrivez un résumé sur une feuille horizontale avec trois colonnes : les données d’entrées à gauche, le moteur de calcul au milieu et les résultats de sortie à droite.
Rendre chaque feuille lisible
Mettez un titre aux feuilles Excel. Comme sur une page PPT. Indiquez de quoi il s’agit. Et le message s’il y en a un. Ne laissez pas le lecteur tout seul. Excel est suffisamment incompréhensible comme cela.
Mettez un sous-titre sous le titre. Indiquez la date, les unités, la source, les définitions… aidez votre lecteur ! Ne le laissez pas tout seul.
Essayez de tenir sur un écran. En hauteur et en largeur. Personne n’a envie de dérouler l’écran vers le bas. Encore moins vers la droite. C’est parfois difficile, mais faites tout ce que vous pouvez pour ne pas sortir de l’écran.
Faciliter la lecture
Retirez le quadrillage pour laisser un fond blanc. Le quadrillage gêne le regard, est inutile et donne un aspect inachevé. Cela rappelle les cahiers des écoles. Passez au blanc !
Évitez les bordures sur les cellules. Elles bloquent le regard et sont un enfer à maintenir lors des copier-coller. Ignorez la fonction bordure d’Excel. On peut presque toujours s’en passer.
Laissez vides la colonne A et la ligne 1. Encadrez votre feuille de blanc comme une photo. Et différenciez la d’un tableau expressionniste angoissant. Laissez des espaces de respiration.
Créez de la cohérence entre les feuilles. Mettez les titres aux mêmes endroits. Répétez les codes couleur. Répétez le vocabulaire. Aidez votre lecteur à parcourir le document.
Gérer les chiffres
Mettez les chiffres en forme. Alignez les à droite, séparez les milliers et réglez le nombre de décimales. Ce sera tellement plus facile à lire.
Classez les éléments. Mettez les lignes les plus importantes au début si vous le pouvez. L’ordre décroissant est souvent une bonne option. Un ordre aléatoire donne une impression confuse qui diminue la crédibilité du propos.
Jouez avec les indentations. Par exemple pour différencier les totaux et sous-totaux des chiffres. Le subtil décalage sera beaucoup plus clair que des jeux de gras et de bordures. Et plus simple à maintenir dans le temps.
Utiliser un format sobre
Utilisez la police de base. Le Calibri proposé par Excel est très bien. Restez là-dessus.
Unifiez la taille de police sur toute la feuille sauf le titre. Varier la taille de la police donnerait un aspect étranger et perturbant aux éléments.
Utilisez single accounting underline pour les titres de colonne. C’est un format bien caché et peu connu. Il fait des hauts de colonne lisibles et clairs.
Définir un code couleur
Colorez les onglets des feuilles pour diriger l’oeil. Le lecteur aura envie de cliquer sur une feuille en jaune vif, beaucoup moins sur un ongle gris ou noir. Un onglet vert rassurera quand on cherche les résultats. Et on se méfie inconsciemment d’un onglet rouge. Choisissez les bonnes couleurs.
Utilisez une code couleur pour le texte. Voici le mien : bleu pour un chiffre entré à la main depuis une source sûre. Rouge pour un chiffre entré à la main sans source. Noir pour un calcul. Violet pour un chiffre appelé à l’identique d’ailleurs dans l’Excel. Gris clair pour un test de cohérence. Quel est votre code couleur ?
Utilisez code couleur pour le fond des cellules. Voici le mien : jaune pâle pour les hypothèses à modifier. Gris pâle pour des cellules techniques que le lecteur n’a pas besoin de regarder. Rien d’autre. Les couleurs attirent le regard, laissez un maximum de blanc.
Faites la chasse aux couleurs inutiles. Chaque couleur doit avoir une signification de même que tout signe sémantique doit avoir un sens. Retirez toutes les couleurs qui n’ont pas de raison d’être.
Coder efficacement
Ecrivez des formules simples. Les formules complexes sont source d’erreur, incompréhensibles pour quiconque vous lirait et difficiles à modifier quelques temps plus tard.
Ecrivez les formules dans l’ordre de lecture. « =B7+B5+B12+B3 » est difficile à lire et perturbant. « =B3+B5+B7+B12 » est bien meilleur. Cet exemple est simple et évident, mais regardez vos formules… Combien sont rédigées dans l’ordre le plus logique ?
Construisez des feuilles parallèles. Assurez-vous que les numéros de colonnes et de lignes sont identiques d’une feuille à l’autre. Une colonne d’année doit être sur la même colonne dans toutes les feuilles. Et un élément qui se répète d’une feuille à l’autre doit toujours être sur la même ligne.
Multipliez les calculs intermédiaires. On peut souvent réduire la longueur des formules en ajoutant des lignes et des feuilles. Cela rend les calculs plus lisibles, réduit les possibilités d’erreurs et facilite les modifications. Les ligne et les feuilles sont gratuites, profitez-en !
Remplacez les mauvaises formules par de meilleures. SUM et VLOOKUP sont deux exemples de mauvaises formules sources d’erreur. Sans devenir un geek d’Excel, cherchez à éviter les erreurs de débutant. Savez-vous par quelles fonctions les remplacer ?
Eviter les erreurs
Affichez les totaux. Calculer le total vous permettra de vérifier que tout y est et qu’aucune incohérence ne s’est glissée. Sans afficher les totaux vous laissez la place à un risque d’erreur.
Ajoutez des tests de cohérence. Par exemple vérifier que deux résultats sont identiques en soustrayant un chiffre à l’autre. La cellule affichera zéro s’il n’y a pas d’erreur. Écrivez en gris clair italique pour que le test reste discret.
Evitez de lier des fichiers. Lier des fichiers entre eux crée de la complexité pour les lecteurs, les mises à jours et des sources d’erreur. Réservez cela aux cas extrêmes bien maîtrisés.
Intégrez la donnée source sans modification. Laissez par exemple les données qu’on vous a envoyées sur des feuilles insérées sans aucune modification. Faites les modification ailleurs. Cela vous permettra de toujours pouvoir revenir à la source.
Enregistrer le fichier.
Fermez le fichier sur la page d’introduction et en A1 partout ailleurs. Ou alors au bon endroit pour le lecteur. Excel se souvient des emplacements des curseurs sur chaque page.
Nommez le fichier efficacement. La date au format YYYYMMDD, un nom explicite qui vous aiderait à retrouver le fichier sur un moteur de recherche et la version.
Mettez un mot de passe. Si votre contenu est sensible, vous ne le regretterez jamais. En revanche, vous pourriez regretter de ne pas l’avoir fait.
Gagner du temps
Evitez d’utiliser la souris. Ceux qui passent beaucoup de temps sur Excel utilisent uniquement le clavier.
Apprenez les 20 raccourcis claviers utiles pour vous. Il en existe pour tout ou presque. Identifiez vos actions fréquentes et cherchez à gagner du temps. On y arrive toujours.
Connaissez les fonctions et formules utiles. Essayez de savoir ce que vous ne savez pas. Prenez 15 minutes pour regarder des vidéos qui montrent en accéléré des dizaines de trucs et astuces. On y découvre parfois des méthodes pour gagner des heures.
Faites-vous aider. A l’époque où je codais des modèles Excel, je bénéficiais d’une hotline 365/7/24 de spécialistes qui prenaient la main sur mon ordinateur pour réaliser n’importe quelle opération. Je n’ai jamais vu personne les égaler techniquement, même mes collègues geeks passés par les banques d’affaires. Au besoin, savez-vous où trouver de l’aide ?
Et vous, quelles sont vos règles ?
Tirez le meilleur de chaque outil en l’utilisant pour ce qu’il est censé faire.