Cole Nussbaumer Knaflic a écrit un excellent ouvrage sur l’art de représenter les données par le bon graphique. C’est intelligent, complet et pertinent. J’en recommande fortement la lecture à quiconque produit parfois des statistiques : je suis d’accord avec chaque phrase du livre. Le mieux pour un résumé est de regarder les 30 premières minutes de la conférence Youtube sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=8EMW7io4rSI

C’est l’ouvrage que j’aurais voulu écrire sur l’art de réaliser un chart si j’avais eu l’intention d’écrire un tel ouvrage. J’éviterai donc de le faire !

Aussi, plutôt qu’une synthèse du livre de Cole Nussbaumer, je copie ici mes propres règles sur les graphiques. Si vous voulez améliorer vos réalisations, lisez les deux !


Le graphique – Choisir le bon type

Six types de graphique peuvent décrire presque tout : le bar chart horizontal, le stack chart, le bar chart vertical, la ligne brisée, le build-up et le scatter plot. Chacun a une utilisation précise, souvent dictée par les habitudes inconscientes de lecture. Il existe des cas précis pour lesquels préférer un type à un autre. Explorons-les ensemble !

Le bar chart horizontal pour les classements. Pensez aux classements. Qui est premier ? qui est cinquième ? Le lecteur est habitué à voir des classements dans ce format. Préférez presque toujours l’ordre décroissant.

Le stack chart pour la composition. Qu’est-ce qui explique les 440kcal d’un fondant au chocolat ? Il montre les catégories qui font le tout avec le total au-dessus. Mettez en bas les lignes que vous souhaitez les plus lisibles.

Le build-up pour montrer des étapes successives. Pensez aux variations du nombre d’employés entre deux périodes : qui est arrivé ? Qui est parti ? L’abscisse doit être des étapes. Il cherche à expliquer méthodiquement.

Le bar chart vertical pour compter par période de temps. Pensez à un rapport annuel avec le chiffre d’affaires sur 5 ans. L’abscisse doit toujours être une notion de temps. Le lecteur est habitué à lire le temps de gauche à droite.

La ligne brisée pour montrer l’évolution d’une valeur. Dans le temps ou en fonction d’un autre élément. Pensez à un cours de bourse. A la différence du bar chart vertical, on ne compte pas. C’est une valeur qui évolue.

Le scatter plot pour segmenter en deux dimensions. Pensez à la classique matrice croissance-rentabilité. Quels points sont en haut à droite ? Qui est en bas à gauche ? Si vous pouvez mettez le positif en haut à droite. Les lecteurs y sont habitués.

Il existe beaucoup d’autres graphiques qu’il vaut mieux dans l’ensemble éviter d’utiliser. Parmi les plus classiques, on compte le pie chart et le spider chart. Ils sont peu clairs et vite illisibles. A moins de souhaiter volontairement créer la confusion pour le lecteur (cela peut arriver !), évitez ces types de graphiques. 

Remplacez le pie chart par un stack chart. Le pie chart est difficile à lire, comparer les tranches est malaisé, il est difficile de voir le total et sa forme ronde rend ardu d’écrire un commentaire sur chaque catégorie. Une fois de plus, utilisez le si vous souhaitez volontairement brouiller le message. Dans certains cas cela peut être utile.

Remplacez les spider chart par un bar chart horizontal. L’objectif est en général de donner des scores à des dimensions et de comparer plusieurs jeux de données sur ces dimensions. Le bar chart horizontal est particulièrement adapté aux classements. Ce sera un choix plus adapté et plus facile à lire.

Enfin méfiez-vous des graphiques doubles, c’est-à-dire ces tentatives de représenter deux graphiques en même temps. Par exemple, un bar chart vertical avec une échelle indiquée à gauche et une ligne brisée avec une échelle indiquée à droite. Cela perturbe et crée augmente le risque d’erreur d’interprétation. Faites deux graphiques !

Evidemment, toutes les règles ont leur contre-exemple. Parfois il faut adapter le graphique au format du support. Un classement de 50 éléments sur une page PowerPoint pourra être illisible en vertical et acceptable à l’horizontal car la page est plus large que haute. La mort dans l’âme, il faut parfois faire certaines concessions…

Pour aller plus loin, considérez la lecture de l’excellent ouvrage Data visualisation de Cole Nussbaumer Knaflic. C’est très complet quant à l’art et la science de représenter visuellement des données. A tel point qu’il faudrait le rendre obligatoire à l’école !

Le graphique – Faciliter la lecture

Nos analyses de données vont circuler et être lues. Elles seront interprétées par des lecteurs qui connaissent moins le sujet que nous, qui ont peu de temps pour comprendre et qui auront leurs propres biais cognitifs. Elles seront peut-être réutilisées hors contexte avec des définitions et des objectifs différents.

Comment donc aider nos lecteurs à bien comprendre nos analyses ? Comment rendre les choses intelligibles pour tous ? Comment éviter les erreurs et les contre-sens ? Comment limiter la possibilité qu’un jeu de données soit détourné ? Comment s’assurer d’être lu et compris ?

Je relis souvent ce que je fais avec trois angles : mon cousin Jules adolescent, ma mère septuagénaire et moi fatigué. Pourraient-ils lire le document ? Le comprendraient-ils ? En tireraient-ils les mêmes conclusions ? Qu’en retiendraient-ils ? Qu’en diraient-ils autour d’eux ?

Chaque personnage a sa spécificité. Mon cousin Jules est brillant, mais jeune. Il a peu de contexte et est parfois un peu naïf. Ma mère est intelligente et expérimentée. En revanche, elle est biologiste et ne connait peu aux autres sujets. Enfin, je connais ou crois connaître le contenu, mais quand je suis fatigué je fais des raccourcis hâtifs.

Alors, comment passer le test de l’adolescent, de la grand-mère et de la fatigue ?

 

#01 – Ecrivez un intitulé explicite

Je donne un titre précis à mon graphique. Je place un titre au-dessus de mon graphique. Cela aidera la compréhension. Je m’assure que chacun des mots du titre est important, tout en restant court si possible.

Pas du tout        c        c        c        c        c       Oui, clairement

Je choisis des mots précis pour le titre. Nombre, montant, taille ou valeur sont des mots différents qui ne sont pas interchangeables. Un poids et une proportion ne sont pas la même chose. De même pour évolution, variation et croissance. Révisez également vos définitions de fréquence et période. Soyez précis !

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Par exemple, « Proportion des transactions acquises dans chaque département par type de banque émettrice de la carte » est un peu long, mais dans le contexte très particulier des paiements par carte bancaire chacun des mots choisis a une importance. Il sera donc préférable à « Poids des cartes » dont l’apparente sobriété cache une complexité sémantique qui peut pousser à l’erreur.

J’indique les unités et les variateurs. Ils doivent toujours être indiqués et ils ne sont jamais une évidence. Les unités donnent une valeur aux chiffres et les rendent explicites (par exemple, Watt, Ohm, Ampère). Les variateurs indiquent les catégories considérées (par exemple, année N vs. année N-1, types de câbles électriques).

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#02 – Facilitez l’interprétation

J’ose parler avec le titre. Je fais passer un message et je dis quelque chose. Je vais plus qu’une simple description et j’ose sous-entendre une conclusion. J’aide mon lecteur à comprendre. Au besoin, je différencie un titre qui transmet un message et un sous-titre plus descriptif.

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Je lie le titre et le graphique. Je m’assure que les éléments du titre sont immédiatement identifiables. Si le graphique montre autre chose que le titre ou si le titre mentionne des éléments absents du graphique, l’un des deux doit être changé.

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Je donne des éléments de comparaison. Le lecteur ne sait pas toujours ce qui est petit ou grand, peu ou beaucoup, acceptable ou inacceptable. J’ajoute une moyenne, une médiane ou un élément de comparaison pour donner du relief.

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#03 – Faites bonne impression d’ensemble

Je choisis la bonne granularité. Les données doivent montrer le bon niveau d’information. Ni trop global ni trop dans le détail. Par exemple pour montrer une évolution dans le temps, une vue annuelle cachera la cyclicité mensuelle et une vue journalière perdra l’œil dans la volatilité. La bonne maille dépend de ce que je veux montrer, mon graphique est réfléchi dans ce but.

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Je sélectionne la bonne échelle. Écraser un graphique ou l’étirer peut amener le lecteur à des conclusions différentes et être source d’erreur voire de manipulation. Je préfère les démarrer les axes à zéro et les échelles linéaires sans manipulation.

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J’ai choisi les couleurs pour être comprise. Une couleur vive attire le regard. Deux teintes proches paraîtront identiques en noir et blanc ou pour les daltoniens. Le vert est souvent perçu positivement et le rouge négativement. J’ai pris le temps de penser l’utilisation des couleurs pour être le plus pertinent possible.

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#05 – Facilitez la lecture

Je classe les éléments. L’ordre croissant ou décroissant fait souvent gagner en lisibilité. La séquence d’étapes successives aussi. Ne pas avoir d’ordre ou choisir l’ordre alphabétique est rarement une bonne idée.

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Exemple : considérez l’exemple ci-dessous : quelle version est la plus lisible ? Celle de gauche ou celle de droite ?

J’attire l’œil au bon endroit. Placez-vous à deux mètres de votre graphique. Qu’est-ce qui frappe l’œil en premier ? Mettez en lumière au moins un élément. Si plusieurs attirent le regard il y en a peut-être de trop. J’ai pris le temps de penser à ce qui va attirer l’œil sur mon graphique.

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Je mets en lumière ce que je veux montrer. Un graphique affiche souvent trop d’éléments. Le lecteur ne sait pas toujours ce qu’il doit regarder. Une ligne, une flèche, une couleur ou un encadrement peuvent aider. Si utile, j’ajoute ce qu’il faut.

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#06 – Affichez les chiffres efficacement

J’indique les totaux les totaux. Ils rappelleront aux lecteurs les enjeux, la taille de l’échantillon ou la granularité choisie. Les plus avertis essaieront de refaire les calculs pour débusquer une erreur. Je leur simplifie la vie en le faisant avant eux.

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J’explicite les calculs. J’affiche le total des données, je permets au lecteur de refaire les calculs et j’indiquez ce qui s’additionne, se multiplie ou se divise. Je me méfie des ratios qui sont source d’erreur. C’est apprécié par les lecteurs qui pourront refaire les calculs s’ils le souhaitent pour s’assurer que les graphiques sont exacts.

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Je limite le nombre de chiffres affichés. Trop de chiffres est une barrière à la lecture. Je pense à changer l’unité, retirer les décimales ou ne montrer les chiffres que pour certaines données. Mon lecteur s’y retrouvera plus facilement.

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#07 – Soyez précise

J’explique les termes. Les mots sont souvent moins explicites que nous ne le pensons. Et certains de nos lecteurs sont des béotiens. Je pense à définir chacun des termes sur chacune des planches.

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Je cite mes sources. Dans le monde académique citer ses sources est souvent une obligation. La source rassure le lecteur, permet une discussion saine sur les définitions et nous sera utile dans quelques temps quand nous l’aurons oubliée.

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J’explicite les sigles et les acronymes. Tous les lecteurs ne les connaîtront pas. Je les écris en toutes lettres au moins la première fois que les utilise, même s’ils me paraissent évidents. Nos lecteurs nous en seront silencieusement reconnaissants.

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#08 – Anticipez les réactions

J’explique les points isolés sur le graphique. Ils attirent immanquablement le regard et le lecteur ne peut s’empêcher de demander pourquoi cet élément paraît si étrange. Si je ne peux pas éviter la question, je l’anticipe.

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Je m’intéresse les surprises. Les conclusions étonnantes sont neuf fois sur dix une erreur ; et une fois sur dix une trouvaille. Dans les deux cas, c’est intéressant, cela attire le regard et il faudra expliquer. Je vérifie deux fois ce qui paraît surprenant.

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Je donne les détails. Certains regroupements poussent à demander le détail. Par exemple, une catégorie trop importante ou une catégorie « Autres ». J’anticipe les questions, par exemple par l’ajout d’une note de bas de page ou en donnant assez de détail pour satisfaire la curiosité.

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#09 – Créer des habitudes

Je systématise le vocabulaire. J’utilise toujours les mêmes mots pour toujours les mêmes choses. Un mot différent doit être un concept différent. Les synonymes et variations stylistiques donneront l’illusion de l’élégance mais perdront le lecteur.

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J’habitue les lecteurs aux emplacements. Je mets les titres, les légendes et les sources toujours au même endroit. Si possible en haut, en bas et en haut à droite. Les lecteurs sauront où les trouver et se concentreront sur les données et le message.

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Je réutilise les couleurs pour les mêmes raisons. Les couleurs ont la même signification d’un graphique à l’autre. J’évite d’utiliser la même couleur plusieurs fois pour des raisons différentes. Cela crée de la confusion.

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#10 – Faites une dernière passe sur la forme

Je donne un bel aspect visuel. L’épaisseur des éléments, la taille des polices, l’agencement des couleurs ou encore la position des textes peuvent jouer sur la beauté ressentie de votre graphique. Je fais au mieux pour que tout soit beau.

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Je crée un sens de lecture. Je réfléchis aux mouvements de l’œil sur le graphique. Et si cela est pertinent et possible, j’organise les éléments pour que les mouvements de lecture soient les plus aisés possibles afin de simplifier la compréhension.

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J’écris comment lire les données (s’il le faut). C’est plutôt un aveu de faiblesse et idéalement vous n’en avez pas besoin. Mais s’il le faut écrivez comment se lit le graphique en prenant un élément comment exemple. L’INSEE en France le fait ; pourquoi pas nous ?

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